OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

28.1.12

C'ÉTAIT PEUT-ETRE UNE JOURNEE PARFAITE

Pour le Défi du samedi :

C’était peut-être une journée parfaite : soleil, ciel bleu, chaleureux, un jour de printemps embaumé, un de ces jours où il fait bon vivre, je ne sais pas, je ne m’en souviens pas.
Et pourtant,  je me souviens très bien du film que monsieur Kunzman allait passer au cours de physique. Il nous a dit que le film venait d’être déclassifié par le gouvernement et que nous n’allions pas croire ce que nous y voyions.
Il a baissé les stores, descendu l’écran qui pendait du plafond, et puis il a éteint la lumière, et il a mis le projecteur en marche.
Film en noir et blanc.
Cela ne risquait pas d’être très intéressant.
En fait, c’était d’une banalité extrême : des tas de pierre, des ruines, des cendres, de la fumée, un gros champignon, oui, tout ça, on connaissait la chanson, des photos d’après-guerre, oui, on les avait toutes vues.
Jusqu’à la partie où l’on voyait passer devant nos yeux des gens, des fantômes vivants, brûlés comme des rôtis mal cuits ; une dame qui porterait pour toujours les carreaux de son kimono gravés sur sa peau nue ; un enfant méconnaissable, comme une poupée géante de chiffon sali. Des images tellement choquantes qu’on ne devait pas les montrer au public qui les avait subventionnées, un public qui avait vivement approuvé cette action.
Et puis, une dernière image. Une tâche noire, fixée sur la pierre blanche comme des os. Une tâche noire qui avait – si l’on regardait assez bien – la forme d’un être humain, sans doute une dame habillée en noir, vaporisé dans un éclair si fort, si aveuglant que rien n’a pu y survivre, à part son ombre.
C’était peut-être une journée parfaite : soleil, ciel bleu, chaleureux, un jour de printemps embaumé, où il fait bon vivre, je ne sais pas, je ne m’en souviens pas, ce jour où monsieur Kunzman a trouvé bon de lâcher une bombe sur un groupe d’adolescents qui ne se doutaient de rien.
hiroshima
Merci à http://www.gensuikin.org pour l'image.

4 commentaires:

  1. et on parla longtemps, et on parle toujours de cette journée - mais a-t-on vraiment compris ?

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  2. Je pense qu'on ne comprend toujours pas ce qui est arrivé en Europe non plus.

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  3. Témoignage émouvant !
    On ne comprend toujours pas ce qui est arrivé.
    Souvent parce qu'on ne veut pas comprendre et parce qu'on s'obstine à ne pas vouloir tirer les enseignements du passé.
    Témoigner, comme tu le fais si bien, Joye, est vital, nécessaire et tout à ton honneur.

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  4. Je crois que la plupart du monde s'en fiche. Tous ces gens massacrés, on ne les connaît pas de nom, c'est donc comme s'ils n'existaient pas ou comme s'ils n'ont jamais existé.

    Et pourtant, cela reste un peu incompréhensible, même pour ceux qui souhaiteraient comprendre.

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