[pour Impromptus littéraires]
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le jour où le fleuve Wapsipinicon a eu son nom.
Il y a longtemps, aux jours et aux nuits des grands-pères de nos grand-pères, la tribu Chickasaw vivait aux bords de ce grand fleuve qui tranche la prairie ondoyante. Il coulait rapidement, ce fleuve, riche en poissons, et bordé de grands ormes dont l’ombre rafraîchissait toute âme souhaitant se reposer devant ses courants.
Là, dans cette tribu vivait la demoiselle Wapsie, la plus belle fille qu’on ait jamais vue. Jusqu’aujourd’hui, aucune femme n’a encore pu rivaliser sa perfection.
Ses tresses brillaient comme les ailes du corbeau, ses dents étaient comme les petites perles de maïs qu’on trouve sur les jeunes épis.
Le soir dans la lumière du feu, sa peau luisait comme des tisons pendant qu’elle s’occupait à faire cuire les pains sur la vieille pierre aplatie par des générations.
Cette Wapsie était la fille chérie du vieux chef, Shoteka, la dernière vivante de tous ses enfants, celle de sa dernière femme, Ashukuma, morte lors de son travail pour mettre la petite Wapsie au monde. Wapsie avait la beauté du sang de sa mère et la dignité du sang de son père. Shoteka la chérissait et la gardait comme la plume de l’aigle, près de son cœur.
Bien sûr que tous les jeunes hommes de la tribu auraient été ravis de prendre Wapsie pour la leur, mais il n’y avait que Preste-Pas, le fils de Napissa, qui avait vraiment des chances de l’avoir à lui. Toutefois, le vieux Shoteka ne répondait pas à ses demandes. Ce n’était pas le moment, il fallait attendre encore un printemps si Preste-Pas demandait en automne ou encore un hiver si Preste-Pas demandait en été.
Un jour vers l’automne, quand le soleil se cachait de plus en plus tôt sur l’horizon, une petite bande de Sioux venait de l’ouest. Ils arrivaient aux bords du fleuve dans la crépuscule rougeâtre, et ont reçu l’accord du vieux chef pour y rester la nuit. Connu pour sa générosité, le vieux Shoteka a demandé à sa fille de leur apporter quelques lapins et des fraises sauvages cueillies ce matin-là par les petites filles de la tribu.
Dans ce petit groupe de Sioux était un jeune homme qu’on appelait Pinicon. Ses yeux noirs pétillaient d’intelligence et de courage, mais c’était un Sioux et, donc, un homme assez taciturne. Déjà, plein de demoiselles de sa tribu lui avaient offert des ceintures et des mocassins faits par leurs mains dans l’espoir de l’attirer ; déjà, plein de demoiselles avaient soupiré éperdument devant son silence. Mais du moment où la jeune déesse rouge est entrée dans son monde, Pinicon a oublié toute autre femme. Il le savait à l’instant : un jour, il faudrait que Wapsie soit à lui.
Pinicon a obtenu la permission du leader de sa bande, et surtout celle du vieux Shoteka de rester dans le camp des Chickasaw pendant l’hiver qui s’approchait. Vieux Shoteka savait pourquoi et s’est félicité. Si sa Wapsie devait un jour s’avouer à un homme, il voulait que cela soit Pinicon. Ils feraient beaucoup fils forts comme lui et des filles belles comme elle. Cela ferait aussi un nœud de paix entre les deux tribus, une union importante pour l’une comme pour l’autre.
Tout le monde trouvait cela tout naturel, sauf Preste-Pas. Un ver jaloux rongeait son cœur. Il ne pouvait pas croire que Wapsie, qui lui appartenait, s’intéresse à cet intrus-là. La nuit, dans sa tente, Preste-Pas s’imaginait avec Wapsie à ses côtés, et il s’est promis que ce serait un jour la vérité.
Six lunes après son arrivée, Pinicon est entré dans la tente du vieux Shoteka. Il portait avec lui plusieurs peaux de renards, et il amenait sa plus belle poney, celle dite La Fougace. Le soir tombé, sous la lune pleine, Pinicon est sorti de la tente du vieux chef, un rare sourire sur ses lèvres.
Le lendemain, il a invité Wapsie à faire un petit parcours dans la canoë que le Vieux Shoteka, en signe d’amitié, lui avait offert la veille.
Wapsie, timide mais joyeuse, a accepté. Car pour elle aussi, depuis six lunes, son esprit avait cherché le sien, et l’avait patiemment attendu.
Le fleuve était beau ce jour du jeune printemps. Le soleil dansait sur l’eau, laissant des diamants sur sa surface, et le canoë glissait dans l’eau suivant le rhythme des rames maniées par les bras musclés de Pinicon. Quelques minutes après, il s’est arrêté et a prononcé le mot qu’il avait si longtemps voulu prononcer, celui qu’elle avait si longtemps voulu entendre. Doucement, Pinicon a pris la main à Wapsie et l’a portée à ses lèvres.
À ce moment-là, une flèche envieuse a quitté l’arc de Preste-Pas qui s’était caché aux bords du fleuve. Elle a percé le cœur de Pinicon, mais avant qu’il ne tombe, Wapsie a sauté à son secours. Son mouvement rapide a fait basculer le canoë, et les deux amants se sont noyés dans l’eau agitée, le jeune Sioux dans les bras de sa Chickasaw bien-aimée.
Voilà pourquoi, si tu passes sur le pont du fleuve Wapsipinicon dans le comté de Chickasaw, en Iowa, au nord, jusqu’aujourd’hui, tu entendras les voix de deux jeunes amoureux, l’un chuchotant le nom de l’autre.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ce jour-là, le jour où le fleuve Wapsipinicon a eu son nom.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le jour où le fleuve Wapsipinicon a eu son nom.
Il y a longtemps, aux jours et aux nuits des grands-pères de nos grand-pères, la tribu Chickasaw vivait aux bords de ce grand fleuve qui tranche la prairie ondoyante. Il coulait rapidement, ce fleuve, riche en poissons, et bordé de grands ormes dont l’ombre rafraîchissait toute âme souhaitant se reposer devant ses courants.
Là, dans cette tribu vivait la demoiselle Wapsie, la plus belle fille qu’on ait jamais vue. Jusqu’aujourd’hui, aucune femme n’a encore pu rivaliser sa perfection.
Ses tresses brillaient comme les ailes du corbeau, ses dents étaient comme les petites perles de maïs qu’on trouve sur les jeunes épis.
Le soir dans la lumière du feu, sa peau luisait comme des tisons pendant qu’elle s’occupait à faire cuire les pains sur la vieille pierre aplatie par des générations.
Cette Wapsie était la fille chérie du vieux chef, Shoteka, la dernière vivante de tous ses enfants, celle de sa dernière femme, Ashukuma, morte lors de son travail pour mettre la petite Wapsie au monde. Wapsie avait la beauté du sang de sa mère et la dignité du sang de son père. Shoteka la chérissait et la gardait comme la plume de l’aigle, près de son cœur.
Bien sûr que tous les jeunes hommes de la tribu auraient été ravis de prendre Wapsie pour la leur, mais il n’y avait que Preste-Pas, le fils de Napissa, qui avait vraiment des chances de l’avoir à lui. Toutefois, le vieux Shoteka ne répondait pas à ses demandes. Ce n’était pas le moment, il fallait attendre encore un printemps si Preste-Pas demandait en automne ou encore un hiver si Preste-Pas demandait en été.
Un jour vers l’automne, quand le soleil se cachait de plus en plus tôt sur l’horizon, une petite bande de Sioux venait de l’ouest. Ils arrivaient aux bords du fleuve dans la crépuscule rougeâtre, et ont reçu l’accord du vieux chef pour y rester la nuit. Connu pour sa générosité, le vieux Shoteka a demandé à sa fille de leur apporter quelques lapins et des fraises sauvages cueillies ce matin-là par les petites filles de la tribu.
Dans ce petit groupe de Sioux était un jeune homme qu’on appelait Pinicon. Ses yeux noirs pétillaient d’intelligence et de courage, mais c’était un Sioux et, donc, un homme assez taciturne. Déjà, plein de demoiselles de sa tribu lui avaient offert des ceintures et des mocassins faits par leurs mains dans l’espoir de l’attirer ; déjà, plein de demoiselles avaient soupiré éperdument devant son silence. Mais du moment où la jeune déesse rouge est entrée dans son monde, Pinicon a oublié toute autre femme. Il le savait à l’instant : un jour, il faudrait que Wapsie soit à lui.
Pinicon a obtenu la permission du leader de sa bande, et surtout celle du vieux Shoteka de rester dans le camp des Chickasaw pendant l’hiver qui s’approchait. Vieux Shoteka savait pourquoi et s’est félicité. Si sa Wapsie devait un jour s’avouer à un homme, il voulait que cela soit Pinicon. Ils feraient beaucoup fils forts comme lui et des filles belles comme elle. Cela ferait aussi un nœud de paix entre les deux tribus, une union importante pour l’une comme pour l’autre.
Tout le monde trouvait cela tout naturel, sauf Preste-Pas. Un ver jaloux rongeait son cœur. Il ne pouvait pas croire que Wapsie, qui lui appartenait, s’intéresse à cet intrus-là. La nuit, dans sa tente, Preste-Pas s’imaginait avec Wapsie à ses côtés, et il s’est promis que ce serait un jour la vérité.
Six lunes après son arrivée, Pinicon est entré dans la tente du vieux Shoteka. Il portait avec lui plusieurs peaux de renards, et il amenait sa plus belle poney, celle dite La Fougace. Le soir tombé, sous la lune pleine, Pinicon est sorti de la tente du vieux chef, un rare sourire sur ses lèvres.
Le lendemain, il a invité Wapsie à faire un petit parcours dans la canoë que le Vieux Shoteka, en signe d’amitié, lui avait offert la veille.
Wapsie, timide mais joyeuse, a accepté. Car pour elle aussi, depuis six lunes, son esprit avait cherché le sien, et l’avait patiemment attendu.
Le fleuve était beau ce jour du jeune printemps. Le soleil dansait sur l’eau, laissant des diamants sur sa surface, et le canoë glissait dans l’eau suivant le rhythme des rames maniées par les bras musclés de Pinicon. Quelques minutes après, il s’est arrêté et a prononcé le mot qu’il avait si longtemps voulu prononcer, celui qu’elle avait si longtemps voulu entendre. Doucement, Pinicon a pris la main à Wapsie et l’a portée à ses lèvres.
À ce moment-là, une flèche envieuse a quitté l’arc de Preste-Pas qui s’était caché aux bords du fleuve. Elle a percé le cœur de Pinicon, mais avant qu’il ne tombe, Wapsie a sauté à son secours. Son mouvement rapide a fait basculer le canoë, et les deux amants se sont noyés dans l’eau agitée, le jeune Sioux dans les bras de sa Chickasaw bien-aimée.
Voilà pourquoi, si tu passes sur le pont du fleuve Wapsipinicon dans le comté de Chickasaw, en Iowa, au nord, jusqu’aujourd’hui, tu entendras les voix de deux jeunes amoureux, l’un chuchotant le nom de l’autre.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ce jour-là, le jour où le fleuve Wapsipinicon a eu son nom.
§ 6 : J'arrête de lire ! C'est encores la fille du chef et parce qu'elle est fille de chef, elle est belle !
RépondreSupprimerMoi, j'attends la vie d'une femme banale au physique indifférent !
La vie de celle que je regarde dans la rue et dont j'essaye d'imaginer la vie à partir de quelques brides de conversation, à partir d'un vêtement. Bref de ces gens de tous les jours qui peuvent se révéler extraordinaires quand on s'intéresse à eux.
L'actrice qui symboliserait cette femme serait Sylvie Testud.
Ben, c'est pas moi, c'est la légende.
RépondreSupprimerEt toute femme qui aime est belle.
(suis mon regard)
Les filles de chefs ont rêver mais comme tu le dis Joye la beauté c'est d'aimer
RépondreSupprimerFace à mon écran, j'ai beau regarder, je ne vois rien que Vous … Chère amie !
RépondreSupprimerJe trouve que c'est une belle histoire, triste mais belle.
RépondreSupprimerarthur : Oui, j'y pensais hier soir. Qu'est-ce que ça changerait si Wapsie était laide dans l'histoire ?
RépondreSupprimersar@h : Tes beaux yeux bleus sont fatigués !
anne-ma : Coucou ! Bienvenue, tu y es arrivée ! :-)