OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

24.12.07

Une petite laine

Écrit pour Impromptus

Cette année-là, le petit Papa Noël allait mal et malgré tous ses efforts la veille de Noël, il arriva, ce soir-là, que toute personne sur la planète reçut, comme cadeau, une petite laine.

Le jeune couple à Sydney poussa un cri de joie. Ce cadeau voulait sûrement dire qu’ils étaient enfin « enceintes » comme on disait chez eux et que le nouvel an serait rempli d’amour et de joie et d’un tout petit être qui aurait les cheveux roux de son papa et les yeux vert lumineux de sa maman.

Le jeune couple à Pékin se regardait, le malheur tout plein les yeux. Un autre enfant ! Mais c’était strictement défendu de faire un deuxième enfant. Tatie Wang viendrait leur faire visite, et elle ne serait pas contente. Mi-Quang irait à la clinique, dès lundi.

À Mumbai, la petite Juhi, étonnée de voir un paquet mystérieux à coté de son grabat sali, se frotta les yeux. Mais avant qu’elle ait pu toucher la boîte mystérieuse, sa mère la prit dans ses mains tout en criant. Juhi pencha la tête, mieux pour recevoir le coup du bâton qu’elle connaissait si bien, mais sa mère, heureuse d’y découvrir une petite laine si délicatement tricotée, partit tout de suite pour aller la vendre dans la rue. Juhi sourit, jubilante, comme sa mère. Il y aurait peut-être du riz dans leurs bols ce soir-là.

Le grand Mazi, de retour de la pêche, ouvrit rapidement le petit colis curieux laissé devant sa porte. Son grand rire bas dut retentir à travers le Sénégal. C’était une bonne blague, mais il faudrait donc qu’il pense à se venger de ce coquin d’Abdou ! Déjà Mazi pensait à comment emballer un de ses poissons et le cacher dans un coin perdu de la maison d’Abdou.

La señora Albiara, dans sa maison de retraite à Buenos Aires, sortit la petite laine de sa boîte avec des mains tremblantes et la tint contre sa joue sillonnée par tant d’autres joies et tant d’autres tristesses. Déjà les mailles la réchauffaient, et elle se rendormit aussitôt, un rare sourire sur ses lèvres gercées de centenaire.

Et moi, à la prairie toute blanche, gelée, je tins ma petite boîte dans mes mains. Je savais ce qui se trouvait dedans. Comme d’habitude, elle n’était pas à ma taille, ni de ma couleur préférée. Elle ne représentait ni bonheur, ni malheur, ni secours, ni blague, ni souvenir. Juste l’amour.

J’ouvris le paquet, en souriant, en riant, en plaisantant avec ceux autour de moi, et en me rendant compte de ma grande chance d’être la femme la mieux lotie sur la planète.

Et je dis « Oh, Maman, c’est parfait ! »

1 commentaire:

  1. Anonyme4:38 AM

    Cette histoire est adorable, merci, merci ! Je te souhaite plein de jolis petits pulss de toutes les tailles et de toutes les couleurs :-)
    Amitiés.

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