Henri
avait déjà décidé de prendre sa retraite quand le toubib lui dit que sa
santé pouvait devenir fragile s’il continuait son boulot, alors il
n’hésita pas à suivre les conseils Après tout, cela faisait trois cent
soixante-six ans qu’il crachait le feu et il était bien temps que
quelqu’un d’autre prenne la relève.
Ses
écailles étaient encore verdâtres, sa queue longue et encore féroce, et
une fois son boulot terminé, sa santé habituelle et monstrueuse fut
vite rétablie. Il aimait bien rester au lit le matin au lieu de pointer
dans la forêt pour incendier le chevalier occasionnel qui passait.
C’était un point d’honneur chez la brigade, depuis cet acte terroriste
du minable crétin qu’on appelait Saint Georges. Henri et ses copains
montaient encore la garde, d’une vengeance fière meurtrière pour leur
camarade tombé.
Maintenant,
le matin, Henri avait le temps de prendre un deuxième café, parcourir
Le Monde, faire les sodokus et téléphoner à sa tante Lucille pour
prendre de ses nouvelles. L’après-midi, il jouait trois fois par semaine
à la pétanque avec ses camarades Restif le Chimère et Ulysse la
Licorne.
Récemment,
Henri avait même décidé de remplir ses autres heures en faisant du
free-lance…quelques barbecues ci et là, des fêtes d’anniversaire des
gamins – cela leur changeait des trucs MacDo - et ainsi de suite. Henri
aimait se sentir encore utile à la communauté et, en peu de temps,
devint très demandé.
Un
jour le téléphone sonna et Henri pensait tout de suite que sa tante
Lucille avait eu un malaise. Mais la voix féminine à l’autre bout du fil
n’était pas celle de sa tante bien-aimée. C’était une autre.
- Allô, bonjour, Henri Crache-Flammes à l’appareil. Que puis-je pour vous ?
- C’est vous le dragon ?
- Lui-même, madame. Je vous écoute.
- Ici, c’est Gwendolyn de Latour. J’ai un problème, je me demandais si vous pouviez m’aider ?
- Je crois bien, répondit Henri. Dites-moi ce que vous voulez que je fasse.
- Il vaudrait mieux que vous veniez voir pour vous-même.
Henri
nota rapidement l’adresse et puis chercha son sacoche qui contenait son
portable ; son permis d’intermittent ; un manuel de secours, au cas
où ; deux ou trois biscuits pour les chiens - fort utiles s’il fallait
en distraire un ou deux, les chiens ne s’entendaient jamais avec les
dragons, et les plus idiots se faisaient parfois rôtir devant les yeux
de leur maîtresse horrifiée - et quelques pastilles pour la gorge, s’il
avait un peu post-feu. Puis il se rendit au 587 rue de la Tour.
Il
vit bien devant lui le grand escalier que Gwendolyn lui avait décrit,
l’escalier que le gnome du village utilisait chaque nuit pour aller
faire le voyeur à la fenêtre de cette demoiselle dans la grande tour.
Normalement, Gwendolyn aurait aimé une telle attention masculine, mais
le gnome était moche, hideusement poilu, et pas très friqué et Gwendolyn
savait bien qu’elle pouvait mieux faire. Voilà pourquoi il fallait
qu’Henri détruise l’escalier…afin que quelqu’un d’autre de plus agile et
vaillant vienne admirer les atouts de sa jeune cliente.
Trois
heures plus tard, et au trente-sixième essai, Henri avait déjà avalé
toutes ses pastilles et deux des biscuits pour les chiens – ayant raté
l’heure du thé – mais il ne pouvait absolument plus essayer de faire
fondre le fer de l’escalier. C’était trop résistant. Mais au lieu
d’admettre qu’il n’était peut-être plus au niveau – après tout, il avait
une réputation à protéger ! – il fouilla dans le manuel pour trouver
une solution…Ah oui, le célèbre manœuvre légendaire… le Coup de
Mâchoire…il ne l’avait jamais essayé, mais trouva que c’était bien le
moment !
- Et cha, ch’est quand j’ai déchidé de mordre dedans, expliqua ce pauvre Henri à son dentiste le lendemain matin.
Ah ! ah ! un dragon fort sympathique et victime de son grand cœur. Il aurait mieux fait de rester auprès des enfants, à allumer les bougies d'anniversaire ;-)
RépondreSupprimerHistoire bien plaisante et joliment racontée. J'ai bien aimé.
Merci beaucoup, SklabeZ !
RépondreSupprimerEuh, c'est un grand bavard ce Dragon.
RépondreSupprimerIl aurait mieux fait de se la fermer..
Et essayer "sa queue longue et encore féroce" (comme dit l' histoire),en guise de scie normale...
;o)
RépondreSupprimerMerci pour ton com', Staive !