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De toute manière, elle se retrouva dans cette maison dans un joli petit village. Chaque matin, elle descendit au village pour faire ses petites courses, et grimpait la pente pour rentrer, haletant, tout en s'étonnant à quelle rapidité le rythme d'une petite vie pouvait s'établir. L'après-midi, après un déjeuner qu'elle mettait une heure à préparer, la femme solitaire mangeait lentement, un bouquin à côté de son assiette.
Un jour, après l'averse exigée (l'Ardenne, ayant, elle aussi, sa quantité de prévisibilité), elle sortit prendre l'air. Après avoir découvert la petite promenade menant à St-Thibaut, ses pas s'y redirigeaient joyeusement à encore des découvertes et puis encore des retrouvailles : les grands sapins traînaient des lierres comme des dentelles aux jupons d'une coquette, un ruisseau se faufilait à leurs pieds, riant et jasant au plaisir de les revoir.
Elle s'arrêta avant d'y arriver pour écouter attentivement de loin la conversation du ruisseau et dut admettre que le son des voix lui manquait quand même un peu.
D'un coup, un méchant petit caniche vint aboyer à tue-tête de l'autre côté du sentier en ponctuant chaque tirade des grognements qui disaient « Gaffe, hein, faites gaffe, c'est du vrai, et à l'envoi, je morrrrrds ! »
Sale bête ! La femme avait envie de lui filer un grand tchlak avec son parapluie, mais elle sut que le maître du clebs était probablement pas loin, sinon en train de regader la scène d'un air approbateur.
Alors, elle se contenta d'un « Coucou, le chien, ça va ? » et puis, d'un ton un peu plus sérieux, « Sois sympa, sois sympa le chien ! » Il hésita, comme pour calculer ses chances. Voyant cela, elle lui laissa pourtant le dernier mot et s'éloigna vers la forêt. Le chien en profita lachement pour lui faire savoir exactement ce qu'il pensait des femmes solitaires qui se promenaient dans son territoire, hein, grr, hein !
Cette sale bête n'allait pas tout de même gâcher son pelerinage, se pensa-t-elle.. Elle l'oublia avant que le dernier grognement soit parti de son stupide petit museau, et mit ses propres oreilles à l'écoute des potins que le ruisseau était en train de balbutier aux arbres.
Au retour, elle revit le caniche, mais cette fois-ci, il y avait une clôture entre elle et lui. Toutefois, lui appela son copain et un petit Scottie sortit de la maison pour voir, et puis le fixa d'un œil curieux comme pour lui dire « Mais quoi encore, Pierre, qu'est-ce qui te prend maintenant, gros con ? T'as oublié qu'il y a une clôture entre elle et toi ou quoi ? »
Le caniche, hardi, reprit son refrain que la femme traduisit un peu comme « Tarrrrrrrre ta gueule, grrrrrrrrande blonde, je vais t'avoirrrrrrrrr, tu verrrrrrras mes crrrrrrocs dans une de tes grrrrrrosses fesses, hein ? ! ? »
D'un coup, une voix basse et fâchée se fit entendre depuis la maison et Pierre le caniche eut droit à une briève mais satisfaisante humiliation. Il se tut à l'instant même. Son petit copain le regarda d'un air embarrassé comme pour lui dire « Mais ça finit toujours de la même manière, Pierre, t'es bête ou quoi ? »
Et la femme rentra, portant un sourire grand comme la vallée qu'elle venait de longer.
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