Sa grand-mère gardait son coeur dans une boîte rangée au fond du placard dans sa cuisine et quand elle voulait s'en servir, il fallait qu'elle et elle seule monte sur son petit escabeau et qu'elle se mette sur la pointe des pieds comme une ballerine âgée de soixante-quinze ans. L'acte était toujours accompagné d'un son arraché du haut de sa poitrine, un peu comme le grincement d'un vieux portail rouillé radin.
Sa mère gardait son coeur dans une boîte rangée dans son armoire dans sa chambre où l'on était défendus d'entrer sans permission exprès et on devait toujours revenir tout de suite, la boîte à la main, pour qu'elle l'ouvre le temps de sortir ce qu'il lui fallait comme la tasse de farine pour un gâteau ou la cuillérée de beurre qu'elel voulait faire fondre dans une poêle afin de nous faire cuire encore un repas.
Elle, elle garde son coeur ici, au plein jour, où tout le monde peut le voir et le toucher et oui, peut-être le briser, c'est inévitable pour un coeur qu'on ne range pas dans une boîte au fond d'un placard. Elle le prête quand c'est nécessaire et elle résiste courageusement à la tentation de le ranger où il serait un peu plus sauf, un peu moins infaillible, certes. Et pourtant, il bat toujours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire