Pour
Mil et Une :
Il était une fois un gentil taille-crayon
travailleur. Toute la journée, il taillait les crayons, les rendant pointus et
superbes. Il taillait tous les crayons, les bleus, les verts, les rouges, les
noirs, tous les crayons sans exception, même s’il pensait que les crayons
rouges faisaient trop pleurer les élèves et les écrivains. Quand ils passaient,
c’était comme si toutes les compositions saignaient du nez.
Mais le taille-crayon, égalitaire, voulait bien
aider tous les crayons à faire bonne mine, et c’est ce qu’il faisait toute la
journée.
Malheureusement, les crayons ne pensaient pas aux
efforts du pauvre taille-crayon. Ils laissaient leur copeaux partout. C’était toujours lui qu’on blâmait pour les
petits morceaux qui trainaient, comme s’il pouvait faire quoi que ce soit, n’ayant
pas de mains et juste des lames pour tailler, tailler, tailler.
Les crayons coloriés, très flirts, laissaient aussi
des couleurs sur ses lames, et puis, en rentrant le soir, le pauvre
taille-crayon avait du mal à expliquer à sa femme ce qui s’était passé au
bureau ! Ah, la belle affaire !
Mais le taille-crayon faisait son devoir, il
taillait sans plainte, jour après jour.
Et puis, un jour, une grosse machine a pris sa place
au bureau. La machine allait vite, on faisait entrer les crayons et puis zing !
en deux secondes, des points impeccables ! Et sans copeaux qui trainaient
partout.
Le pauvre taille-crayon ne se sentait plus du tout
utile. Il a fait une grosse dépression, et même sa femme n’osait plus l’importuner
pour l’emmener au ciné ou chez la papeterie.
Le pauvre taille-crayon ! Plusieurs de ses
copains avaient trouvé du boulot dans des trousses à maquillage et taillait des
bâtons de rimmel pour des show-girls.
Mais il ne voulait pas, il ne pouvait pas faire ça ! Son métier
était de tailler des crayons, des vrais, mais personne ne voulait plus de lui.
Jusqu’au jour où l’EDF a fait grève…