OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

30.7.07

Le carnet à spirales

[pour Impromptus littéraires]

Un inattentif n’aurait pas remarqué la différence chez mademoiselle Perrot ce beau jour-là de la fin d’octobre. Il n’aurait pas noté les cernes presque imperceptibles sous ses yeux d’un bleu froid professionnel, ni aperçu ce nouvel angle au coin de sa bouche expertement carminée, comme toujours.

Non, mademoiselle Perrot, ne vous en faites pas, lui fis-je, mentalement. Personne n’en a rien aperçu. Je saurai encore garder vos secrets…

-- Oui, Sébastien ?

Sa voix perçait les petits ronrons heureux qui passaient en boucle dans ma tête.

-- Madame ? Ma voix restait neutre, je m’en félicitais.

-- Pourquoi ce sourire ?

-- Ben, juste heureux d’être là, Madame.

L’angle au coin de sa bouche s’ajustait imperceptiblement. Sans faire d’autres commentaires, elle se retourna vers le tableau pour y gribouiller quelques détails avant de commencer la leçon.
Les autres remuaient impatiemment dans leurs places, s’ennuyaient ferme. Ils ne pouvaient pas suivre mon jeu délicat, ne sachant pas d’où il venait. Naturellement. C’étaient des non-initiés. De simples crétins.

Eux, ils n’avaient pas ma sophistication, mes habitudes, mes lectures, surtout depuis une dizaine de jours, celui où je tombai sur un petit carnet à spirales, abandonné négligemment dans un tiroir que l’on avait oublié de fermer à clé.

Depuis ce jour-là, je pris sur moi de rassurer mademoiselle Perrot.

Certes, de temps en temps, je plaçai une allusion méticuleuse, juste pour voir sa réaction. Un petit mot-clé, là sur un devoir, une petite phrase relevée au milieu d’un échange, banals, mais immanquables pour leur auteure. Bien sûr le tout avec un beau sourire comme moi, je sais les faire.

Malheureusement, ce n’était que la première fois que j’ai vu une lueur de peur dans ces yeux bleus. Cela n’a duré qu’une seconde, ce bleu froid-professionnel qui s’était approfondi, jusqu’à un gris industriel, la couleur de certains grades d’acier, et puis, c’était reparti. Oui, sans doute, juste des coïncidences. Après tout, si un gamin avait vraiment volé ce petit carnet incendiaire, toute l’école aurait été au courant au bout de quelques heures.

Non, ce n’était pas le genre de chose qu’un élève ordinaire garderait pour lui. Une bectance aussi succulente serait trop difficile à résister. Il aurait fallu croquer dedans et partager avec tous les autres.

Heureusement pour mademoiselle Perrot que je ne suis pas comme les autres. Je suis plus exclusif. Je garde jalousement ma proie pour moi.

Alors, non, mademoiselle Perrot, votre cahier à spirale n’a pas été volé. Votre réputation de petite souris aux yeux bleus – bien qu’une qui cache des désirs incendiaires entre les pages d’un carnet, enfermé sagement dans un bureau -- ne serait pas à déchirer par des griffes de n’importe quel chat grossier.

Non, non, ma petite fougueuse, ma tigresse, vous mériterez bien mieux que cela, vous verrez.
Rassurez-vous, c’est pas croyable comme tout disaparaît…

28.7.07

Secouriste

Je ne voudrais pas que la vie nous laisse en paix.

Je veux la guerre.
Je veux lutter.

Je veux qu'on jette encore des pierres,
Qu'on lance encore des flammes,

Je veux qu'on se hurle
À travers les champs de mines
Qui nous séparent,

« Tiens bon,
Camarade,

Ne lâche pas,
J'arrive...
»

25.7.07

Une sensation de vacuité

[pour Impromptus littéraires]

Ohm shanti shanti ohm shanti shanti ohm…

Le Prajñaparamita sûtra, je ne sais même pas le prononcer…

Ohm shanti shanti ohm shanti shanti ohm…

Je reste alors zen, je cherche la Parfaite Sagesse…

Ohm shanti shanti ohm shanti shanti ohm…

La Vacuité des phénomènes internes…

Ouate ? Internes ?

Mon estomac fait des borborygmes !

Non, non, non, je reste zeeeeeeen, zen, dis-je…

Estomac, tais-toi ! Je suis la maîtresse ici, pas toi !

Ohm shanti shanti ohm shanti shanti ohm…

La Vacuité des phénomènes externes…

Ah, yes, oui, externes, externes, je ne sens pas ce rôti de porc qui cuit lentement…

La Vacuité interne et externe à la fois…

Ben oui, non, il n’est pas midi, je n’ai pas faim, ohm, ohm, shanti, shanti…

La Vacuité de la vacuité, ohm, ohhhhhhhhm…

La Vacuité de l'immensité, c’est ça, immense shanti, shanti, ohm…

Le rôti sent bon, oui, je n’ai pas faim, shanti, shanti…

La Vacuité de l'ultime, ohhhhhhhhhm, shanti…

C’est quoi mon Word Count, j’ai déjà dépassé 1500 ?

Characters with spaces, non, 954. Non, c’est bon, je peux continuer.

Ohm shanti shanti ohm shanti shanti ohm…

24.7.07

Slow dancing in a burning room



Ce n'est pas un petit moment bête
Ce n'est pas le calme avant l'orage
C'est le profond souffle mourant
De cet amour qu'on travaille

J'arrive pas à te tenir dans mes bras
Comme je veux pour te sentir
Personne ne viendra à ton secours
On a trop souvent crié au feu

On s'écroule
Et toi, tu le vois aussi
On s'écroule
Et tu sais que nous sommes perdus
Ma chère
On danse un slow
Dans une pièce qui brûle

J'étais celui dont tu as toujours rêvé
Tu étais celle que j'essayais d'attirer
Comme oses-tu dire que ce ne m'est rien
Baby, tu es la seule lumière que j'aie jamais vue

Je vais profiter de toute cette tristesse
Tu seras salope, parce que tu peux
Tu essayeras de me frapper, me blesser
Me laisser avec un sentiment de saleté
Parce que tu ne peux pas comprendre

On s'écroule
Et toi, tu le vois aussi
On s'écroule
Et tu sais que nous sommes perdus
Ma chère
On danse un slow
Dans une pièce qui brûle

Vas-y, pleure un peu, pourquoi pas
Vas-y, pleure un peu, pourquoi pas
Vas-y, pleure un peu, pourquoi pas
Ma chère, on danse un slow
Dans une pièce qui brûle
Une pièce qui brûle, une pièce qui brûle

Tu ne trouves pas qu'on aurait dû savoir ?
Tu ne trouves pas qu'on aurait dû apprendre ?

16.7.07

L'autre soir, j'ai pensé à toi

Ballerine


Nina Vyroubova
Is dead,
Is dead.

Pour elle, un pas d'une,
Elle danse sa mortalité
À pointe.

Nina Vyroubova
Is dead,
Is dead.

12.7.07

Petit coeur

Petit coeur qui deviendra grand
En battant, en battant,
Il bat pour toi, pour vous,
Pour eux, pour elles,
Mais jamais pour lui-même.
Petit coeur qui deviendra grand.

Premier amour
(bim-bam)

Deuxième amour
(bam-bim)

Troisième amour
(bim-bam-bim)

Et puis un amour
Où il a failli oublier.
Il a sauté un pas,
Loupé un coup.

Petit coeur qui deviendra grand
En se battant, battant,
En se jetant
Contre des murs.

(bim)
(bam)

Petit coeur qui deviendra grand.

Nuaaaaaaaaaaaages

Libellules



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9.7.07

Toucher l'été

Toucher l’été,
Sentir le voulu :
Goûter le fait
Et humer le bu.

Toucher l’été,
Frôler le pris :
Lécher le vécu
Et palper le mis.

Toucher l’été,
Scruter le vu :
Saisir l’élevé
Et tâter le cru.

Toucher l’été,
Et participe.

Il sera bientôt passé.

8.7.07

Actrice

Tu auras toujours vingt ans,
Ta peau sera toujours lisse,
Sans ride.
À tout jamais, tu seras là,
Fixée sur le celluloïd,
Épinglée comme un beau
Papillon dans un vieux musée
Poussiéreux.

Nager

Je m'allonge sur le miroir
Et je glisse.

5.7.07

I love a parade !!!

[écrit pour Zinc Zinc]

Le quatre juillet, c'est les hot dogs, le baseball, les feux d'artifice, et oui, le grand défilé au petit village. Cette année, j'y ai assisté surtout avec l'intention de tout raconter aux lecteurs de Zinc-Zinc. J'ai même pris des notes !
D'abord, on regardait les gens qui portaient leurs chaises dans la rue afin de pouvoir s'installer à l'ombre sur la route du défilé. Regarder tout le monde comme ça, dans une culture qui ne vit pas sa vie dans la rue (comme par exemple, au Mexique) est déjà amusant. Il y a beaucoup d'enfants, mais aussi des vieux. Les gens comme moi, pas encore trop âgés, mais sans enfants, sont plus rares. Ils sont peut-être tous à la maison, profitant de leur journée de liberté au beau milieu de la semaine, ou peut-être qu'ils sont à Oskaloosa pour serrer la pince à Barack Obama, candidat aux présidentielles de 2008.
Mais moi, je suis là installée dans ma voiture, à quelques petits mètres du spectacle. Les gens continuent à arriver, s'installer, se préparer. Les sirènes de la police annoncent que le défilé arrive. Je note que tous les gamins ont des sachets en plastique. Ah oui ! Les participants dans le défilé leur jeteront des bonbons. Les enfants se sont préparés d'avance. Ils ne sont pas bêtes, les enfants. Cela me donne de l'espoir pour l'avenir.
Il y a d'abord le grand marshall, la personne qui "gère" le défilé. Mais personne n'est dupe, surtout les spectatrices. Tout le monde sait qui a fait tout le boulot pour organiser cela, et ce n'est pas le "grand marshall". Son nom est affiché sur la décapotable blanche dans laquelle il se trouve, mais les lettres sont trop petites. Je ne sais pas qui c'est. Ce n'est pas important.
Après lui, les pompiers ! De tous les villes, villages, bourgs et bleds des environs. On se sent bien protégés, à savoir qu'il y a tant de gens, tous volontaires, qui viendraient à la rescousse en cas de sinistre. Après eux, c'est le sheriff suivi par "The Jaws of Life". C'est une machine qui sert d'ouvre-boîte lorsqu'on a un grand accident de voiture. Je ne sais pas comme le dire en français, me dis-je. Pas grave, ils comprendront, me réponds-je.
Après la police et les pompiers, c'est les vétérans. Deux vieux hommes debout dans un camion avec une bannière. Il n'y a pas de jeunes, ni de mutilés de l'Irak. Il n'y en a jamais.
Après ça, un groupe de gens qui s'amusent à revivre la Guerre Civile. Ils ont le drapeau américain, et le drapeau d'une nation ennemie (the Confederate flag) qui nous a attaqués. Cela fait toujours drôle de le voir. Les autres personnes dans la foule ne se rendent pas compte de cette incongruïté. Tout le monde applaudit.
Il y a plusieurs manèges publicitaires pour les commerçants locaux. Les Shriners passent. C'est un groupe charitable qui porte des fez et qui aident les enfants malades. Autrefois, ils venaient dans de toutes petites voitures qui faisaient rire. Maintenant, ils ont tous de vieilles voitures très grandes qui bouffent de l'essence. Il me vient à l'esprit qu'ils sont tous des Républicans qui se foutent de l'environnement. En dépit de toutes leurs bonnes actions pour les enfants, ils se fichent de l'avenir.
Bon, enfin, la musique ! Je suis impressionnée, les tambours, ils sont top. J'ai envie de danser. Malheureusement, les autres commencent à jouer. Oui, bon, c'est difficile de marcher au pas et de jouer d'un instrument en même temps, je le sais. Finalement, ils sont bien, le Davis County High School Marching Band. Bravo les jeunes, c'était un bon effort. Comme les petits qui prévoyaient des bonbons, vous dans vos shorts et t-shirts blancs, marchant rhythmiquement sous le soleil, vous aussi, vous me donnez de l'espoir !
Après ça, c'est les politiciens. Je recommence à rire. Parmi toutes les véhicules affichées Clinton, Edwards, Obama (les trois candidats démocrats les plus populaires en ce moment), il n'y aucune qui porte un candidat ! Et puis je vois mon représentant au Congrès de l'état de l'Iowa. Il court, il jette des bonbons à tous les enfants. Son visage est rouge. Même de ma distance, je vois qu'il a chaud. Je souris. La vie politique, c'est très glamour. En tout cas, j'applaudis le wagon plein de Démocrats locaux, pas des candidats, juste des gens qui travaillent pour eux. Il n'y a rien pour la parti républicain dans le défilé. Rien. Tant mieux, me dis-je. Tant mieux.
Après cela, des chevaux. J'ai cessé de compter après trente-neuf. Il y a des hommes, des femmes, et des enfants sur des chevaux, des ponées, et même des mules. Ici, il y a plein de gens qui font du cheval comme passe-temps. Ce soir, c'est la rodéo. Oui, normal.
Vient une autre voiture de la police pour signaler que c'est la fin. Les gens restent, ils veulent voir encore. Le défilé n'a duré que vingt-huit minutes ! Même le gendarme se sauve avant eux, tournant dans la rue où je suis garée, au lieu de suivre le défilé jusqu'au bout dans une rue qui sera plus ou moins déserte. Mais bon, le reste ne sera donc pas du tout dangereux.
Tant mieux, me dis-je. Tant mieux.