Ayait fui quitté l’Anjou après la mort inexplicable du pauvre Titus, je me retrouvai à Bordighera. Ah Italia ! Ses bonnes ! Ses pâtes ! Ses bonnes pâtes ! Avec les quelques euros que je volai sécurisai en lavant les soquettes crades de fou feu mon amour, je trouvai un squat appart’ dans la Via Romana - ouais, appelée presque comme moi, votre héroïne estivale et jeune-veuve, Romane !
Or, bien que majeure et vaccinée, je n’avais que vingt-deux dix-sept ans, et je me rendis tout de suite compte qu’on ne vit d’amour et d’eau fraîche que dans les romans sirupeux où la fille tombe amoureuse des hommes musclés mais peu poilus, ne portant jamais de chemise…Bon, c’est pas mon truc à moi que j’ai. Et moi, quelque déesse féerique que je fus, il fallait tout de même que j’eusse de quoi manger. Il me fallait donc une Taf Quelconque, histoire de pouvoir me payer des gelati de temps à autre.
Vous n’allez pas le croire, ou peut-être si, mais je trouvai tout de suite un boulot al Ristorante Bottigle, à deux pas de mon pieu dans la Via Romana ! Che buona fortuna !
Mon patron, Otto Luoghi, était un homme corpulent, comme tutti les bons restaurateurs italiens au prénom allemand (à cette époque-là, on ne se posait toujours pas trop de questions, hein), mais son fils Gieuseppe-Gomberto était un jeune Adonis. Il avait une gueule à faire pleurer les pierrines, comme on dit nulle part sauf dans ce Bildungsroman, mais c’était quand même vrai. Ses yeux noirs comme des olives, son nez droit comme une baguette, sa bouche rouge et pulpeuse comme une tomate…
Allora, vous voyez bien que j’avais trouvé mon métier idéal, servant des pâtes étouffe-chrétiens al ristorante. Si je versais du chianti parfois sur les clients au lieu de dans leurs verres, ce n’était pas de ma faute, on voyait bien que j’étais inamorata pizza pazza et l’on me pardonnait rapidement. Sinon, Signor Luoghi venait tout régler avant que les baffes ne se perdent, n’oubliant pas d’apporter aussi son couperet impressionnant pour le seconder si besoin était.
Vous vous demandez sans doute si je devins la belle-fille d’Otto ? Hélas, non, ce n’était pas mon destin ! Mon pauvre Gi-Go, comme j’aimais l’appeler, était gay comme un pinson et quand son papa le sut (je n’ai pas le temps malheureusement de vous dévoiler qui le lui trahit), Otto le botta dehors et fit de moi sa héritière unique quelques heures avant de m’épouser et encore quelques jours avant de mourir dans une bagarre tragique avec des clients et où il avait oublié d’apporter son couperet, peut-être parce que je l’avais mal rangé dans un tiroir dans l'armoire derrière la cuisine, amoureuse-dingue comme j'étais en ce moment, hélas ! Mais bon, tout est bien qui finit bien, non è vero ?
Cíao, cíao, alla prossima settimana, saluti a tutti…
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