OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

26.11.11

LE BOOK ÉMISSAIRE

Pour En Vos Mots :

Tableau par Mariola Bogacki


Rien n'est jamais fini
Sans paperasserie,
Mademoiselle, je regrette,
Même pas votre toilette !

Rien n'est jamais fini
Sans paperasserie,
Le vernudisme, c'est très tendance,
On se met à poil et puis on danse :

Car...
L'histoire n'est jamais finie
Sans paperasserie !

20.11.11

LA RÉPÉTITION MUSICALE

Pour En vos mots :

Tableau par Andrew Buriak

jojo joubert
aimait jouer
des tours
aimait jouer
aux tours
aimait jouer
autour

jojo joubert
aimait jouer
debout
aimait jouer
partout
aimait jouer
à tout

jojo joubert
aimait jouer
de tout
sauf de son
violon
dindon
sauf de son
violon

17.11.11

DE CONCERT

Pour Mille et Une :
Red Cello Quintet par Raoul Dufy


le menu
menuet
m’a émue
largamente

et
rubato
sa main
tenait la mienne

d’un air
riant
naissant
bruscamente

et
con fuoco
sa bouche
trouvait la mienne

et voilà,
la violence
du violoncelle,
fut désaltérée par l’alto
ma non troppo

14.11.11

ACCORD

Pour Un mot. Une image. Une citation :

Au mi-avril
Dans l’hémisphère nord
La grande aigrette
Donne son accord
Aux reflets sur l’eau
Rouges de tendresse

Moitié-enfant, moitié-homme, Jimmy était comme un oiseau, comme une grue, comme un héron maladroit. Quand son cri perçant faisait l’écho tout autour du bayou, les voisins hochaient sagement la tête, c’était Jimmy qui annonçait qu’il se couchait encore avec le soleil. Ses longs bras maigres couverts de bosses comme les racines de cyprès arrêteraient tôt ou tard d’agiter follement, et Big Donna, la vieille femme qui s’occupait de lui, pouvait enfin respirer, boire un verre, se masser ses pauvres pieds cornus et brutalisés des années à travailler debout, eux et leur maîtresse portant les traces d’une dure existence, cruellement gagnée.

Dans l’hémisphère nord
La grande aigrette
Donne son accord
Aux reflets sur l’eau
Au crépuscule sonore

On disait parfois que Jimmy était l’enfant d’amour de Doris Day et d’Yves Montand, avant que Montand ne tombe amoureux de Marilyn, mais après cette autre, la belle Française qui avait fait l’erreur de perdre trop tôt sa beauté, c’était comment qu’elle s’appelait encore ? D’autres fois, les vieilles dames chuchotaient que la fille de Big Donna avait couché avec son propre frère et que Jimmy était le fruit tordu de leur union infernale. On disait aussi que Little Donna avait voulu cacher ses péchés, qu’elle avait mis le petit corps encore tout chaud et moite du sien dans l’eau du bayou, que le petit a failli se noyer, et qu’on l’avait retrouvé le lendemain perché sur les racines d’un grand cyprès, entouré d’aigrettes qui faisaient leur cri bas et rauque. On disait aussi que, après que  l’enfant a été ramené chez elle, Big Donna avait pris sa fille par le cou et qu’elle le lui avait serré jusqu’à ce que ses deux yeux sortent de leurs orbites.

La grande aigrette
Donne son accord
Aux reflets sur l’eau
Au crépuscule sonore
Et rouge de tendresse

Même quand le pasteur de la petite église derrière la colline disait que Jimmy était un cadeau du ciel, les membres de son culte murmuraient tout bas que c’était quand même une honte et une abomination. Quelle sorte de dieu mettait un tel monstre sur la terre, un témoignage quotidien à son grand manque de pitié ? La punition de Little Donna, c’était de la justice, certes, mais pourquoi torturer l’enfant qui n’y avait été pour rien ? C’était clair que Jimmy souffrait, que la Big Donna souffrait, que la Little Donna, disparue depuis ces seize ans, avait horriblement souffert pour ses péchés réels ou imaginés. Les voisins du bayou hochaient toujours la tête. Et puis, les cris de Jimmy résonneraient encore dans le crépuscule.

Donne son accord
Aux reflets sur l’eau
Au crépuscule sonore
Et luisant de tendresse
La grande aigrette

Et puis,  la Big Donna est morte, comme ça, une nuit dans son sommeil. On avait découvert son corps gonflé le lendemain, lorsque les cris retintissants d’un Jimmy affamé devenaient trop forts pour ignorer. Entrant dans la cabane, les voisins regardaient le nœud confus d’os et de chair et de bosses sur son lit sali, sa bouche grand ouvert, ses yeux gluants qui les fixaient. Ils ont réfléchi très longtemps. Et puis ils ont su ce qu’il fallait faire. Doucement, ils ont emballé le grand corps maigrichon dans une couverture trouée, et ils ont ramené Jimmy au bayou, qu’il rentre encore dans son élément, là au pied du même cyprès où l’on avait découvert, entouré des aigrettes chantant pour Jimmy leur berceuse basse et rauque.

Aux reflets sur l’eau
Au crépuscule sonore
Et luisant de tendresse
La grande aigrette
Donne son accord.

Jusqu’aujourd’hui, on ne parle jamais de cette affaire, même pas le pasteur de la petite église derrière la colline. Mais le bayou, lui, s’en souvient.
 

13.11.11

DILEMME DU LENDEMAIN

Pour En vos mots :


Troublée, Louise faisait semblant de lire son journal.
Mais comment aurait-elle pu quitter Jean-Marc comme ça ?
Blanche de colère, les lèvres et les poings serrés…
..elle était partie tellement vite qu’elle a même oublié de se chausser.
Et maintenant, pas moyen de retourner chez lui sans avoir l’air d’une crétine.

8.11.11

Réflexion chez Sandrine

tout beau bombé
sera tombé
gravité oblige

Avenue des Ternes

Ce matin, j'avais
Une envie terrible,
Grise et froide,
De me retrouver
À Paris,
Sous la pluie,

Sous un parapluie
Emprunté,
Le béton
Luisant, les flaques
Applaudissant
Mes pas 

Et d'un coup,
J'ai senti
Ton parfum.

6.11.11

MURI

Pour En vos mots :

Tableau par Rose Franzen
Combien de fois avait-elle fait de la compote aux pommes ?

Voyons, elle avait commencé dans les jupons de sa grand-mère voici bien soixante ou soixante-cinq ans.

Et puis, elle aurait dû continuer avec sa mère, mais quand elle avait cinq ou six ans sa mère était partie un jour avec le voisin et son père n’a jamais voulu commencer avec les femmes, alors, c’était à elle, Muri, de faire toues les corvées de son père. Et elle a appris toute seule, et rapidement, parce que son père avait la main dure et l’habitude de lui filer des claques sur les oreilles si tout n’était pas à son goût.

Et puis, un jour quand elle avait onze ou douze ans, son père est mort, hurlant en agonie le nom de sa femme perfide. Muri ne se souvenait plus que des ses mains, enfin calmes mais encore dures comme des pierres.
Alors, c’était Tonton Charles qui a pris charge d’elle, à la plus grande satisfaction de sa femme, Florence. Florence avait un tempérament vif et cruel, et parfois quand la compote n’était pas à son goût, elle prenait Muri par les cheveux et la ramenait à la cuisine pour qu’elle recommence, cassant les bocaux luisants et encore chauds de leur cuisson. Parfois, il fallait toute une nuit pour nettoyer la cuisine, parce que Muri ne voulait pas que Florence épie un bout de pomme sur les placards.

Quand elle avait seize ou dix-sept ans, un homme est venu parler avec son oncle. Il était maigre et un peu gris. Il n’aimait pas la compote aux pommes, mais ses mains étaient aussi dures que celles de son père et sa humeur aussi maligne que celle de sa tante, et des années passaient où la vraie Muri avait tout simplement oublié d’exister. Oh, son corps étaient encore là, à faire le ménage, prendre des coups, mais le reste était ailleurs comme si son esprit avait pris un long voyage autour du monde, un voyage qui avait duré trois ou quatre décennies, jusqu’au jour où l’homme maigre et gris est mort d’une crise quelconque et enfin, Muri était libre, et son esprit pouvait revenir de son très long exil brumeux.

Alors, combien de fois avait-elle fait de la compote aux pommes ? Muri ne savait plus très bien.

5.11.11

LA PETITE ROSINE

Pour le Défi du Samedi :

port-isaac-paintingPort Isaac par W. Atherton-Cathcart
 
La petite Rosine
Celle qui faisait si bonne mine
Avait des amies mesquines
Dans le port.
Elle, la perle fine,
Parmi toutes les voisines
Elle était bien la dauphine
De ce port.
 Mais son bien-être
Prit un grand sale coup,
Quand une lettre
Arriva au-dessous
D’la porte du jeune et joli prêtre
De ce port.
http://www.ueet.nasa.gov/StudentSite/images/history/seagull.gif
« Monsieur le curé,
La Rosine s’est égarée
Il faudra vite la sauver
De son sort !
Faut aller prier
Pour cette fille et ses péchés
Dans la nuit noire, et tous cachés,
Pendant qu’on dort ! »
 Le jeune prêtre
Entendant l’appel
Des péchés à commettre
Par la petite belle --
Fallait pas se soumettre
Au grand malheur champêtre
De ce port !
http://www.ueet.nasa.gov/StudentSite/images/history/seagull.gif
Quelles nouvelles pénibles !
Alors le jeune prit sa Bible
Et s’en alla chez la cible
De ce port.
Mais il était faillible
Et vraiment bien trop sensible
À la beauté impossible
De ce port !
 Et  le jeune prêtre
Était tout prêt
À la remettre
Sur le bon sentier
En oubliant peut-être
La Parole de son Maître…
À ce port !
 http://www.ueet.nasa.gov/StudentSite/images/history/seagull.gif
Le lendemain toutes les copines
De la pauvre petite Rosine
Attendaient, toutes malignes,
Faire du sport !
Mais la petite Rosine
Était quand même bien coquine :
Elle tomba sur une combine...
Ô heureux sort !
 Ce qui se passa
Je ne peux vous le dire
Mais je suis sûre
Que vous croirez le pire…
En oubliant peut-être
Que c’est bien par la fenêtre
Que l’on sort !
http://www.ueet.nasa.gov/StudentSite/images/history/seagull.gif