OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

29.10.11

ELLE DORT


Pour En vos mots :

Tableau par Juan Del Pozo

Elle dort.
Elle dort en dépit de tout,
En dépit du trou dans le lit,
À l'autre côté, où,
Tout récemment,
Il dormait.

Elle dort.
La lumière restera
Allumée,
Au cas où,
Au cas où il revient,
Reprendre sa place
Au chaud,
À côté d'elle.

C'est son livre.
Il l'a oublié,
Ou il l'a laissé exprès.
C'est une histoire d'amour
Qui finit mal.
Mais elle ne le sait pas encore,
Parce qu’elle dort.
Enfin.
En dépit de tout.

28.10.11

Pour brige, qui adoucit mon exil

Le matin, je bois
Mon café et tes mots
Et je repars
Réveillée,
Fortifiée,
Vivante,
Ici et chez toi.

Et parce que Wiki ne le dit pas correctement :

L’exil est l'état (social, psychologique, politique...) d'une personne, l'exilé, qui, volontairement ou non, a quitté sa patrie, sous la contrainte d'un bannissement ou d'une déportation, l'impossibilité de survivre ou la menace d'une persécution, et de ce fait vit dans un pays étranger avec ce que cela implique de contraintes sociales spécifiques (langue, insertion, identité...) et de sentiment d'éloignement de la patrie (nostalgie, déracinement...).

23.10.11

LECTURE

Pour En vos mots :

Tableau par Otto Dix

Margot ne savait pas lire, mais elle aimait faire semblant.
Elle aimait le texture des pages, elle aimait le noir sur le blanc, elle aimait voir filer les lettres devant ses yeux, de gauche à droite.
Les petits points l'intriguaient. Parfois ils se plantaient derrière une lettre, parfois ils sautaient sur une petite ligne verticale. Parfois, mais plus rarement, ils soutenaient une longue ligne verticale, parfois ils dansaient un pas de deux avec un autre point, ou parfois avec un point qui avait une queue de cheval.
Elle aimait aussi les espaces, elle les trouvait aussi importants que les traces de noir, mais sans pouvoir exactement expliquer pourquoi.
Parfois elle osait tracer ces lignes avec son doigt. Elle aimait bien sentir courir les mots sous son indexe. Elle aimait le son de la page qui lui murmurait quand elle la prenait par le coin pour la tourner.
Non, Margot ne savait pas lire.
Mais elle aimait faire semblant.

21.10.11

givre

le coeur battait encore
le corps encore chaud
tremblait juste un peu
et puis le givre 
qui délivre
les âmes aux limbes
est venu le toucher
d'un doigt 
inexorablement frigide

20.10.11

La peau se souvient


Là, c'est l'accident que tu as eu glissant dans la boue
Où ta peau s'est ouverte comme une grande écluse
Laissant passer le sang épais et des cailloux.

Là, c'est où le bistouri brillant du chirurgien
A patiné deux fois, insouciant. Expertement rieuse,
La clé à la portée de ta santé, de ta vie, mine de rien.

Là, ce sont quelques souvenirs, cadeau de ta mère :
Ces signes de ses soucis que tu portes maintenant toi-même,
Sur ton front, entre tes yeux, un rappel, curieuse chimère.

La peau, elle, se souvient. Elle retient toute l'histoire
D'une vie, d'un héritage : chaque petit moment, combientième :
Un tapis, un tissu, un témoin, un tout grand étendoir.

18.10.11

Les dents de devant dévancent

À qui la faute 
de la fuite
À qui la fuite 
de la faute ?

J'ai fui le fiu :
Feu fier, fier fou,
Fortune fougace,
Font la force.

Faut-il fouiller 
Fichier fin :
Il a failli falloir
qu'on s'en foute.


http://www.ic.arizona.edu/~lsp/Phonetics/Images/Labiodental.gif

17.10.11

Trois bides de suite

.
..
...

Cela commence à en faire beaucoup.

16.10.11

INTRIGUE

Pour Mille et Une :

Tableau par Marie-Paule Benoît-Basset
Mathilde et Fernande se connaissaient depuis toujours. Alors, quand l’idée leur vint, il n’y avait vraiment aucun besoin de s’en parler, leur complicité était déjà parfaite et diabolique. L’idée était simple : se venger de cette punaise de Cécile ! Celle qui avait volé Hugues, leur voisin de toujours, celui qui habitait en bas. Quand elles avaient appris qu’il allait épouser cette tarte, c’était trop. Hugues leur appartenait ! Il fallait chasser l’intruse. Et c’est comme ça qu’elles décidèrent de l’empoisonner. Le crime parfait ! Personne ne saurait exactement comment cette idiote gourmande put mourir, étranglée par une bouchée de tarte, un noyau innocent coincé dans l’œsophage. Ah, oui, Hugues serait triste pour quelques jours, peut-être une semaine, mais les deux intrigantes sauraient le consoler. Et une bonne fois pour toutes, cette Cécile ne viendrait plus les embêter avec ses sourires, ses rires, son amitié feinte. La lueur d’amour qui brillait dans les yeux de leur Hugues serait bientôt de nouveau à elles, et elles seules.

BEAUTY SECRETS

Pour En vos mots :

Tableau par Catherine Ducreux


Une femme ronde,
Une page plate,
L’une qui tourne
Et l’autre constate

Que les pages creuses
Feront bouger l’oeil
Mais – ce sont les rondeurs
Qui font de l’accueil.

15.10.11

Octobre

L'été est revenu pour un dernier bonjour, le soleil dans les yeux, le vent aux cheveux.
Chaleureux, souriant, la vie rayonne encore autour de lui, gratuit, joyeux et puis,
Comme ça, il était reparti. 

Le soleil reste, mais lui et moi nous sentons un peu plus seuls,
Un peu moins au chaud, un peu moins sûrs que l'hiver ne sera pas trop long,
En attendant le retour de cet été chéri.

12.10.11

JE SUIS COMME UNE LOUTRE


Je doute et redoute,
Je catalogue les péchés,
Les ayant si bien pêchés,
Chez les uns et les autres,
Les pailles et les poutres,
Et tout ce qui va outre :
Je nage dans les douves,
Le doute et puis l'oeuvre.
Je suis comme une loutre
Qui doute.

8.10.11

AU BOUT DE SOUFFLE

Pour En vos mots :

Tableau par Jonathan Burton
Souvent
le vent
poursuivant
les gens
imprévoyants
les déshabille
d’un chapeau
pour son
tableau
vivant,
soulevant
des pans
élégants,
suppliant
ces gens
négligeants
dans le vent,
et énerve
ses victimes
intimes
des vols-
au-vent.

2.10.11

EX LIBRIS

Pour En vos mots :

Tableau par Karel Simunek

Pauline était amoureuse des livres. À chaque moment de libre, elle lisait. Pendant que les autres filles de la revue fumaient en cachette une cigarette ou avalaient leur petit scotch loin des yeux qui condamnaient, Paulette tournait les pages. 

Elle lisait tout : histoire, philo, sciences, torchons...tout, tout, tout, sans distinguer les uns des autres.
Pauline était tout sauf snob, quoi.

On la taquinait, on lui disait qu'elle risquait de devenir bas bleu, mais elle ne nous écoutait pas. Trois secondes après avoir quitté la scène, on pouvait la retrouver immersée dans des pages jaunies comme sa tête frisée.
Nous autres, on s'en fichait pas mal. Si Pauline consacrait tout son temps aux pages, tant mieux, cela faisait moins de concurrence pour ceux qui venaient chaque soir nous attendre à l'entrée des artistes.

Oui, certes, des fois, j'aurais préféré un livre moisi à un de ces vioques pitoyables, mais bon, nous, on n'avait pas trop le choix. Impossible de savoir lequel était vraiment son prince, mais nous étions convaincues, toutes, qu'il arrive un jour ou un autre.

Tiens, je ne sais plus trop ce qu'elle est devenue, la Pauline.

Quelqu'un a dit qu'elle est devenue institutrice, d'autres chuchotaient qu'elle avait pris le voile.

Moi, bon, je pense - non, j'espère - qu'elle est devenue auteure.

Soit cela, soit elle est morte dans un grenier misérable quand sa grande bibliothèque est tombée sur elle, fendant son petit crâne d'un coup inerrablement fatal.

Le sort a toujours le moyen de se venger de nous les femmes, quoi.

1.10.11

RENCONTRE

Pour Mille et Une :

Il attendait sur le seuil, négligemment appuyé contre la porte. J'avais l'impression qu'il était sur le point de me demander du feu, mais il restait muet, sans doute confiant que ce serait moi qui faisais le premier pas. 
 Il avait raison.
- Vous attendez quelqu'un ? lui dis-je, hardie.
- À ton avis ? ricana-t-il.
- Non, c'est vrai, tu as l'air un peu perdu, répondis-je. Et si tu me raccompagnais ?
- Chez toi ?
- À ton avis ?  
Nous nous sourîmes.
- Et si tu me ramènes chez toi, je te dois quoi, exactement ?
- Tu me protégeras des éléments et si quelqu'un m'importune, tu lui fileras un petit coup aux roubignoles, d'accord ?
 J'attendais qu'il rie, mais il restait passif. Et puis il accepta.
- Puis que tu insistes, ouais, d'accord, pourquoi pas ? Ce sera peut-être du fun.
Et voilà comment nous nous connûmes.
Je pris alors le parapluie abandonné et le ramenai chez moi.
Et le reste, c'est de la littérature.