OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

20.4.08

Souhait

Puisqu’il me faudra donc, hélas, mourir un jour,
Pour rendre ta peine nulle, avertie,
Et des cendres froides faire argutie
Je voudrais devenir un spectre troubadour.

Je viendrai te chanter comme chante l’amour
Au matin complice. L’aube repentie
Nous rejoindra les cœurs, perdus en partie,
Les rendant entiers, comblés à ce retour :

Toi, tu seras mon luth, et moi ta chistéra
Faisant des ramages, un chant à mystifier,
Nous ferons nos gammes, persiflant la lourde,

Et trompant le trépas qui nous séparera
En prenant donc le temps de vraiment solfier,
Harmonieux, en paix, car la mort est sourde.

18.4.08

Éponge

[l'image de www.pbs.org]

Passons une éponge sur le tableau où c'était écrit qu'on allait se rencontrer.

Faisons comme la pluie, laissons-nous nous laver la tête et le coeur de tous ces souvenirs boueux.

Le temps ne sert pas à sécher, le soleil n'est pas complice.

Il n'y a que nous, et nos bras, et nos muscles, et ma volonté qui défaille.

Il n'y a que ce film auquel il manque un dénouement.

C'est la faute à la nature

C'est la faute à la nature qui fait que l'echo s'ensuive -- tôt ou tard -- lorsque tu jettes une pierre dans le vide. Tes oreilles déçues, tu te dis que finalement, le vide est trop profond. Ou tu te dis que la pierre était trop petite. Et puis tu commences à imaginer que ce n'est pas un vide, que c'est un grand trou tout recouvert des coussins et que ta pierre, brutalement jetée, est atterrie doucement, sans bruit, et qu'elle se repose maintenant en tout confort sur des bourrelets soyeux pendant que toi, tu deviens folle. Mais, pas moyen de tester tes théories sans réessayer, cette fois-ci tu lanceras une balle de canon ou de bowling, ou peut-être un gros ancre fait de fer. Toutefois, tu n'en as pas, donc tu repars à la guerre ou peut-être à la mer à la recherche d'une chose quelconque qui risque de faire du bruit quand tu la jettes et qui te laissera au moins des brûlures de poudres ou une tasse à boire en souvenir de ton essai.

Coups de coeur

plus coup
que coeur

16.4.08

Jeu de mots

Combien de mots faut-il pour raconter la peine ? Onze ou treize ou moins d'une douzaine ? Combien de mots faut-il pour raconter la peur ? Un seul mot suffira, mais un bon, tapageur. Combien de mots dois-tu pour un coeur déchiré ? Une cinquantaine si les larmes sont séchées et mille autres sinon, si ça saigne encore, ponctués par ta bouche, tes lèvres carnivores. Combien de mots faut-il pour raconter la joie ? Aucun, si tu entends toujours des echos sur ta voie.

Si j'avais une cousine...


Si j'avais une cousine
Elle me frapperait avec
Sa baguette magique.
Elle ferait de moi
Sa co-princesse.
Nous règnerions
Sur les paysans
Souriant devant
Leurs chapeaux baissés,
Et nous nous chuchoterions
Derrière nous éventails
En les prononçant incultes
Et bien moins grands que nous,
Connaissant personne
Frappée d'une baguette magique
Comme moi, je serais
Si j'avais une cousine.

Suggestion d'ici

La poésie est une perte
D'humilité.
Le poète se met à nu
Tous les jours.
Il n'a pas le temps
D'hésiter,
Pas le temps de relever
Les cheveux qui tombent
Dans ses yeux,
Pas le temps de laisser
Le crayon qu'il serre
Entre ses doigts
De peur que les mots
Qu'il capte en graphite
S'enfuient sans qu'il puisse
Les apprivoiser, emprisonner.
La poésie est une perte
De soi.

Suggestion d'ailleurs

La poésie suggère,
Parce qu'elle suggère, elle sort du langage.
Ell va plus loin que les mots.
Elle éblouit par ce que les mots n'expriment pas.
Elle est une lumière sur l'invisible,
l'invisible des poètes mais aussi le nôtre
car leurs joies, leurs peines, et leurs révoltes
ont un caractère universel.

-- Alain Frémeaux

Liste

un puits
deux sources
trois sceaux
quatre maîtres
cinq toits
six vides

12.4.08

Geôlière

La poésie se connaît trompeuse et se répète coupable...
Elle voudrait sortir du langage, mais le langage est tout ensemble sa merveille et sa prison. -- Jean-Michel MAULPOIX

chez brige (bis)

voilà :

une robe qui flotte
sans tête ni jambes
l'ombre-reflet d'à côté,
d'une autre, une femme,
une vraie qui a
tout-ce-qu'il-faut-
sauf-cett-e-rob-e

10.4.08

The Slough of Despond...

Bouh !

bam-boue
bou-boue
cari-boue
hi-boue
ta-boue

bourbe, fange, gadoue
limon, vase, bouillasse

ta-boue
hi-boue
cari-boue
bou-boue
bam-boue

8.4.08

Bien vu, bien dit

Dire à quelqu'un que c'est terminé, c'est laid et faux. Ce n'est jamais terminé. Même quand on ne pense plus à quelqu'un, comment douter de sa présence en soi ? Un être qui a compté compte toujours. -- Amélie Nothomb, Ni d'Eve ni d'Adam

6.4.08

Stratagème

Je m'éveille, de l'hiver lasse. Je sors mon bouclier forgé de mousse et de dentelle. Avant que l'ennemi ne place son dernier coup marbrier, je serai victorieuse, rebelle. Je déclarerai le triomphe : l'arrivée du printemps.

3.4.08

Les séparés (n'écris pas) par Marceline Desbordes-Valmore

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.

N'écris pas ! N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.

N'écris pas ! N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.

N'écris pas ! N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur. N'écris pas !

2.4.08

La fille qui n'a point d'ami par Christine de Pisan

La fille qui n'a point d'ami
A qui dira-t-elle sa peine,
La fille qui n'a point d'amis ?
La fille qui n'a point d'ami,
Comment vit-elle ?
Elle ne dort jour ni demi
Mais toujours veille.

Ce fait amour qui la réveille
Et qui la garde de dormir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'amis ?
Il y en a bien qui en ont deux,
Deux, trois ou quatre,
Mais je n'en ai pas un tout seul
Pour moi ébattre.

Hélas ! mon joli temps se passe,
Mon téton commence à mollir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'amis ?

J'ai le vouloir si très humain
Et tel courage
Que plus tôt anuit que demain
En mon jeune âge
J'aimerais mieux mourir de rage
Que de vivre en un tel ennui.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'amis ?